Le 18 janvier, des lycéens, universitaires et apprentis seront en grève dans une dizaine de ville de Suisse pour exiger des mesures urgentes contre le réchauffement climatique.
« A quoi bon aller en cours si notre avenir est condamné ? »: c’est depuis quelques temps le mot d’ordre de nombreux.ses jeunes qui se mobilisent pour le climat un peu partout en Europe. En Suisse, le mouvement naît en fin d’année 2018. Suite à un premier vendredi où les étudiant.e.s zurichois.es de degré secondaire II désertent les cours, d’autres établissements alémaniques se joignent à cette « grève pour le climat » avant de propager le mouvement dans toute la Suisse. Voilà des années qu’on entend parler du réchauffement climatique et que l’on pousse les gens à accomplir ces « petits gestes » qui la sauvent. Qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi l’écologie revient-elle soudainement au cœur des préoccupations ?
La planète et l’humain en péril
Depuis les années cinquante et l’explosion de la croissance économique, les émissions de gaz à effets de serre ainsi que la destruction des forêts et l’acidification des océans ont drastiquement augmenté, mettant en péril toute la biosphère. Le rapport publié par les scientifiques de l’ONU pour le climat en novembre 2018 lance un ultimatum clair : nous avons jusqu’à 2030 pour atteindre un bilan net d’émission de gaz à effets de serre nul si nous ne voulons pas augmenter la température globale de plus de 2°C. Une telle augmentation engendrerait non seulement de nombreuses inondations, mais provoquerait un bouleversement de l’écosystème terrestre par la disparition de nombreuses espèces végétales et animales. Dès lors, nous entrerions dans un modèle climatique tout à fait différent dû notamment au déclenchement des boucles de rétroaction positive, telles que la fonte du permafrost, l’acidification des océans, ou les sécheresses.
Dans ce cas, il serait tout bonnement impossible de prévoir quelles seraient les conditions de vie sur la planète et dans lesquelles nous devrions apprendre à évoluer. À la fois acteurs inconscients et témoins idéalistes de la sixième extinction de masse (les trois quarts des insectes volants ayant disparus en une trentaine d’année et un oiseau sur trois en quinze ans), la génération née pendant les Trente Glorieuses a en grande majorité vécu dans l’idée des mesures individuelles permettant de préserver notre planète sans entraver la sacro-sainte croissance économique. C’est d’ailleurs ainsi que fut élevée la nouvelle génération. Cependant, suite à la COP24 et au refus de la loi sur le CO2 en Suisse, la coupe est pleine. Inspiré.e.s par la jeune Greta Thunberg dont le discours à Katowice a fait le tour des réseaux sociaux, les jeunes se mobilisent pour des mesures plus globales et, elles/ils l’espèrent, plus efficaces. Ainsi, comme la jeune Suédoise qui abandonne les bancs scolaires tous les vendredis pour manifester contre son gouvernement, les lycéen.ne.s, étudiant.e.s et apprenti.e.s des cantons de Neuchâtel, Genève, Vaud, Jura, Fribourg, Berne, Aarau, Zurich, Bâle, Grisons, Zug, St-Gall et Lucerne descendront le 18 janvier dans la rue avec l’élan insufflé par l’urgence la situation.
Les directions informées
Dans un souci de transparence, un mail avait été envoyé aux directions de nombreux établissements dans le but de les informer des intentions des jeunes. Ainsi, les activistes espéraient rendre claires leurs motivations qui n’ont rien contre leurs établissements. En effet, la grève n’est pas une démonstration de mécontentement concernant la politique éducative, mais bien climatique. Tout un chacun étant dès lors concerné, l’espoir était de voir le secteur de l’éducation comprendre et soutenir l’engagement politique. Les réactions des différentes directions ne se sont pas fait attendre et varient selon les cantons. Tandis que Fribourg et le Valais refusent globalement d’accorder l’autorisation aux étudiants de se rendre à la manifestation et de faire grève, à Neuchâtel, chaque établissement est libre de gérer l’évènement à sa guise. Ainsi, le lycée Blaise-Cendrars de La Chaux-de-Fonds n’imposera aucune sanction aux élèves, qu’il considère s’éveillant à une conscience politique. En Suisse alémanique, les premières manifestations n’avaient pas entraîné de sanctions trop lourdes, grâce au nombre important des personnes mobilisées.
Changement de climat ou de système?
Nous voilà confrontés aux abus d’un système qui, axé sur le profit et l’accumulation de richesses, oublie le plus important : ses constituant.e.s. L’exploitation des ressources est comparable à l’exploitation humaine, tirant le maximum puis laissant à l’agonie l’entité vidée de ses richesses. La société de production et de consommation capitaliste est à l’origine de ce fonctionnement, raison pour laquelle il est temps d’ouvrir le débat pour de nouveaux modèles de société. Le mouvement présente d’ailleurs trois revendications claires : le gouvernement doit prendre des mesures pour atteindre un bilan net d’émissions de gaz à effets de serre nul en Suisse d’ici à 2030, sans le développement et l’implémentation de technologies de compensation. Il doit également déclarer l’Etat d’urgence climatique et agir en conséquence, une collaboration avec les médias nationaux afin de communiquer clairement l’état actuel de la catastrophe climatique étant pour cela bienvenue. Enfin, le gouvernement se doit par de ne pas laisser de barrière systémique entraver l’accession à ces revendications.
La jeunesse à laquelle on reproche trop souvent son manque d’implication serait-elle plus clairvoyante que ses décideurs ? Nous sommes à l’aube d’un changement important, reste à savoir s’il sera de société ou de climat. Comme l’exprime si bien Pablo Servigne, chercheur pour une transition écologique, « aujourd’hui, l’utopie a changé de camp : est utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant. »
Article paru dans le journal Gauchebdo
Inès Marthaler – présidente des Jeunes POP Fribourg